Son message je l’ai reçu avant d’entrer dans la chambre d’hôtel de Mitsuko. Pourquoi n’y ai-je pas répondu ni même l’avoir lu ? Parce qu’à cet instant je n’étais rien d’autre que « Bloods-kun », un gigolo de bas étage en pantalon à pince, chemise blanche et cravate noir avec veste cintrée et haute forme. Un de ces séducteurs sans valeurs aucune si répugnants et pourtant si attirants. A peine avais-je frappé à la porte que j’étais tiré à l’intérieur par ma cliente désespérée de son échec marital. Je faisais ce que j’avais à faire pour continuer de vivre « normalement », ni plus, ni moins. J’avais arrêté la drogue, du moins j’essayai de toutes mes forces et mes parents adoptifs semblaient m’avoir oublié ou bien pensé que je n’aurai aucune dépense alors l’argent leur semblait superflu, c’était à moi de me débrouiller comme toujours. Je préférais me persuader que je n’avais pas le choix. En sortant de l’hôtel je partais me réfugier dans le vieil entrepôt où j’avais vécu une bonne partie de ma vie. Retirant mon haut chapeau et mon veston je m’asseyais, recroquevillé sur moi-même pour lire le message de ma petite bleue avec une heure de retard.

« Oh tu n’as pas perdu de temps (≧▽≦) ! Dis-moi, quel genre d’endroit aimes-tu fréquenter ? »

Je ne comprenais pas moi-même pourquoi soudainement je m’ouvrais à cette fille, c’était une parfaite inconnue pourtant elle commençait déjà à pousser les murs qui m’entouraient. Peut-être avais –je simplement besoin de compagnie, temporaire ou non j’avais décidé d’essayer de parler.

Fumi avait passé un long moment à ne rien faire après avoir envoyé son petit message. Elle était restée assise sur son lit à fixer son portable en se demandant s'il allait bientôt sonner même si elle se doutait que son ami était probablement occupé. Son regard se mit à faire le tour de la pièce aux pour d'une dizaine de minute. Enfin, elle réalisa le fouillis dans lequel elle vivait depuis quelques jours. Sur son bureau de travail, une pile de devoir non-fait grandissait un peu plus à chaque jour. La bleutée ricana un peu en se demandant comment elle était parvenue à voir son reflet dans son miroir...mais elle reprit vite un air sérieux. Soupirant, elle continua d'analyser la pièce. Après un moment, la fille qui partageait sa chambre avait demandée à être transférée parce que la petite Tainaka s'était montrée anormalement amer avec elle. Ce n'était pas totalement faux. En la voyant se mettre belle pour une sortie, elle lui avait dit de se méfier des garçons de façon directe. Elle ne l'avait pas traitée de trainée ou quoi que ce soit, mais probablement n'était-ce pas le premier commentaire désagréable qu'elle avait fait depuis son accident et à force elle avait du céder. La boursière ajouta cela sur sa liste de chose à faire ; aller lui porter ses excuses.

L'adolescente se leva et se mit à ranger doucement. Elle commença par ramasser les mouchoirs qui avaient manqué la poubelle quand elle les avait lancé, mit ensuite tout les vêtements qui trainaient dans un grand sac pour aller les faire nettoyer plus tard dans la journée. Fouillant dans sa garde robe elle sorti un petit balai et ramassa la poussière accumulée au sol ainsi que quelques-un de ses cheveux qui trainaient toujours là depuis sa crise. C'est quand elle se pencha pour jeter le tout qu'un petit bruit strident se fit entendre. Elle sursauta, passant à un doigt de faire tomber son ramasse poussière, mais parvint à le garder dans sa main. Se tournant vers la source du bruit, elle eut à peine le temps de voir que l'écran était allumé qu'il s'éteint. S'empressant de vider le porte-poussière, elle le posa près des détritus et accouru vers son téléphone. Elle le saisit et l'ouvrit, souriant et rosissant en voyant la réponse d'Hiro. Elle se demandait pourquoi il posait la question qu'il avait posé, mais elle y répondit tout de même.

(‘-’*) ...et bien j'aime bien la bibliothèque et puis je compte justement y aller bientôt vu le tas de travaux que j'ai à reprendre. Pourquoi? 【・ヘ・?】

Une fois ce message envoyé, processus qui fut bien moins difficile que la première fois, elle se remit au boulot.

[J'ai tenté de faire court...but I failed]

Toujours assis dans le silence complet, le cerveau vide, la sonnerie de mon téléphone résonna dans le grand bâtiment dépourvu de toute trace humaine. Comme je le pensais elle avait été d’une rapidité incroyable pour me répondre, avait-elle scruté son téléphone tout ce temps ? Je l’imaginais naïvement assise sur son lit les mains jointes à fixer le petit objet certainement rose comme pour la plus part des filles. Cette pensée me faisait sourire et la lecture de sa réponse me fit pousser un léger rire. J’aurai du m’en douter, « la bibliothèque » … après tout elle faisait sans doute partie des meilleurs élèves de sa classe. Me relevant pour rentrer à la maison je remettais mon chapeau et ma veste en espérant qu’aucune personne de mon nouvel établissement scolaire ne me verrait sur la route. Puis avec le même sourire qu’avait déclenché le sms de Fumi je lui répondais sans aucune gêne quelques mots qui la troubleraient sans doute. Contrairement à toutes les autres filles, je ne cherchais pas à la séduire mais j’aimais la faire rougir. Son visage timide devenant soudainement tout rouge avait le pouvoir de m’apaiser d’une façon qu’il lui était propre et même si je n’avais pas la possibilité de la voir, l’idée que son visage angélique prenne des airs de jeune fille perdue me faisait rire tendrement. Fumi était sans doute la fille la plus sage que j’avais rencontré durant ma vie mouvementée, c’était sans doute pour cela que j’aimais la taquiner.

« Je m’attendais à un endroit plus amusant pour un premier rendez-vous mais puisque c’est toi qui le propose alors c’est d’accord pour la bibliothèque ;) AHAH ! Tu m’apprendras tes techniques de révisions ? »

Gardant mon téléphone dans la main je prenais la route pour le lycée.

Sortant délicatement une cigarette de la poche de mon manteau, je la coinçais délicatement entre mes lèvres avant de l’allumer. L’une de mes odeurs favorites, c’était peut-être étrange car la plus part des gens décrivent l’odeur comme désagréable, forte, gênante, et oppressante. Moi elle me rappelait des souvenirs, de belles choses pour une fois. Des moments doux et agréable, les sensations d’après une violente bagarre où j’avais l’habitude d’y mêlé le goût de mon sang, le goût de la victoire, ou même la douceur qu’elle apporte après l’amour. Je nourrissais une sorte d’addiction pour cette odeur, parfois j’en venais à me demander si je ne fumais pas que pour elle. « Fumer c’est mal ! » On me l’a dit tellement de fois que cette phrase n’a à mes yeux plus aucun sens, puis soyons honnête j’ai déjà fait bien pire que ça. Jetant un œil à mon téléphone je découvrais que ma princesse bleutée était bien moins timide que dans la vie réelle et assez rentre dedans si on prenait le « pas étonnant que tu n'aies pas de petite-amie » comme une sorte de question cachée. Je l’avoue, à cet instant je me stoppais net de surprise et un peu vexé. Comment ça « pas étonnant » ? Puis « pas de petites amie » ? Je plaisais dans le temps moi ! A l’époque où j’étais le chef de ma petite meute de loups enragés, où j’inspirais la crainte et la puissance… Rah bon d’accord aujourd’hui c’était plus la terreur des dortoirs puis je suis plus un gigolo de bas étage à la clientèle exigeante mais tout de même j’exigeais un peu de respect p’tite mademoiselle.

« Bien c’est toi qui souhaitais mon rendre mon manteau, je t’en offre simplement l’occasion x). Mais si cela te gêne je peux simplement passer le récupérer, je ne vais plus tarder à rentrer au lycée.
Ps : Qui te dis que je n’ai pas de petite amie ? ;) »

Envoyé. Avais-je été trop brusque ? Si c’était le cas je passerais la voir pour lui demander pardon, mais j’avais envie de la voir courir après ce rendez-vous. Me sentir désirer me plaisait bien. Soudain je réalisais quelque chose, c’était de la drague ? Moi qui voulais simplement la voir rougir je me mettais à la draguer ?? Perturbé, voilà l’adjectif parfait qui me décrivait à cet instant. Mais si je venais à lui plaire ? Oui un type comme moi, une fille comme elle, il y avait peu de chance mais si cette infime possibilité arrivait je devrais agir comment ? La repousser serait salaud vu que c’est moi qui la drague sans m’en apercevoir, mais répondre à ses attentes ne serait pas honnête… si ? Houla je me faisais mal à la tête avec tout ça. Au pire les rendez-vous entre amis ça existait, c’était même fréquent. Regardant autour de moi je scrutais les gens qui m’entouraient : couple, couple, couple gay, amis oui mais c’était deux mecs ou deux filles. Mais merde un garçon et une fille qui sortent en amis c’est possible ? Bon … laissons tomber ça pour l’instant, c’est se faire du mal pour rien si ça se trouve. Certainement que ça n’irait jamais plus loin. Je me calmais et pensais sérieusement à arrêter de penser.