Le ciel est magnifique. Lorsque je le fixe avec autant d'insistance j'ai une impression de m'évaporer, comme la fumée de ma cigarette. Je suis assise, ayant réussie à grimper au dessus de l'entrée, je laisse mes pieds se remuer lentement, mes mains posées derrière moi me retienne pour que je tombe pas subitement, pour que je ne m'effondre pas dans mon rêve d'un court instant. Mes yeux, brillant tel un brasier incandescent fixe avec jalousie cette mer céleste. Alors que le ciel regorge de saphirs aux éclats ensoleillé, je n'imagine alors que les cendres de ce monde revolant en éclat, dansant et virevoltant dans le vent. L'une de mes mains se relâche pour fouiner dans ma poche, à la recherche de ma petite flammèche. Je baisse les yeux, après un long moment, mon regard n'as pu tenir face à ces cieux, je regarde alors la ville, mon esprit s’égare alors une nouvelle fois, ma main quant à elle, laisse le brasier se former devant moi, allumant le briquet. Pour vous, ça ne serait qu'un simple tic, ou un problème de pyromanie, pour moi, je ne vois qu'un énorme brasier, le feu ravageant chaque recoins, les cris désespérés, étrangement, cela me fait sourire.

« Let's watch this city burn the World...~ »

Je lâche un petit rire, pour un fois, il n'était pas sadique ou quoi que ce soit, non, un rire amusé, comme si j'avais compris que toutes mes espérances seraient éphémères. À vrai dire... Je n'ai jamais su pourquoi je souhaitais cette ville réduit en cendre. Je viens d'arriver il n'y a que quelques semaines, mais je n'aime pas cet endroit, le regard des gens est une chose que je déteste le plus, c'est pour cela que je le fuis sous ma fierté. Détester, c'est un mot que je connais bien, mais je me demande si cette fois-ci le terme exact n'est pas « Effrayer ». Alors que mon esprit divague encore sous ma réflexion, ma fumée s'envole, avec elle mes remords. Je n'ai jamais regretté tout ce que j'ai fais à présent, ces vies innocentes, cet incendie, rien du tout, ils le méritait. Le feu purge tout les malheurs, je l'ai apprise toute seule. Pourtant, lorsque je ferme les yeux, j'entends encore cette mélodie, d'où venait-elle ? Mon âme se fragilise alors que je me remémore les traces du passé qui ont souillés cette stupide et fausse innocence.

J'éteins enfin ma cigarette, la plantant dans ma paume sans aucune émotion, ça fait mal, ça me brûle, pourtant c'est l'unique chose qui peut me rendre vivante, certains pensent la chaleur de l'amour envoûtante, celle du feu m'entoure de son manteau et me berce, chacun son truc. Je m'allonge alors, me revoilà à mon point de départ, je fixe encore ce même ciel, levant ma main vers lui, je tente de l'atteindre, c'est un nouveau rêve éphémère que je tente de me construire. Depuis des siècles l'homme s'obstine à vouloir voler comme les oiseaux, moi je souhaiterais juste me laisser porter par le vent, comme la poussière. Très lentement, mes paupières se baisse, mon étreinte se renferme sans rien attraper, alors que le vent d'un fin d'après-midi me caresse, la mélodie inconnue me berce doucement.

La lueur du matin se glissa hors du store de la fenêtre, faisant chauffer mon teint si pâle et pourtant ne montrant aucunement un signe de maladie quelconque. J’avais juste eu une rude soirée à l’internat et le soleil était là pour me rappeler que ma nuit de repos avait été courte. Surveillant de nuit je l’avais choisit sans autre forme de procès, mais cela allait encore dégrader ma santé. Pour cette jeune rousse que j’avais rencontrée il y a à peine quelques jours et m’avait tapé sur le système ce devait être l’heure de rentrer en cours alors que moi je n’osais pas placer un pied devant l’autre pour sortir de mon lit. Ma chevelure revêche et violette tombait sur mes épaules, ce qui chatouilla légèrement ma peau alors que mes doigts remettaient habilement le kimono en place. Le train quotidien allait de nouveau s’abattre sur moi durant cette journée avec sa douche, ses petits soins et la sortie quotidienne au dojo en ville pour m’entraîner et parler avec mes soi-disant camarades. Ô combien je commençais à en avoir assez de ces journées monotones à me ronger les sangs pour ma petite sœur qui n’avait pas encore voulu venir dans ce lycée car après tout, notre famille avait creusé un énorme fossé et celui-ci s’était étendu à cause de bien tristes événements. Pourtant, sur mon chemin quelque chose attira mon attention alors que je restais songeur à prendre et casser entre mes doigts une branche de cerisier afin de l’utiliser plus tard pour mes infusions et décoctions en tout genres. Une jeune femme à la chevelure blanche comme neige mais au regard aussi rouge que les mèches d’un feu de forêt restait elle aussi dans son monde. De suite je vis en elle une douleur qui se dressait tel un feu qui brûlait peu à peu son cœur et la rendait souffrante. Je n’aimais pas voir les gens et surtout les élèves de ce lycée s’apitoyer comme moi sur leur sort car après tout, eux étaient ici pour se redonner une chance malgré leurs différences. Mais sans doute n’étais-je pas apte à me mêler de ce genre de problèmes.

Pourtant, mes pas se dirigent vers elle alors qu’elle s’écrase une cigarette dans la paume de sa main. Comme je connaissais ces jeux de perdition que s’octroyaient les jeunes, c’est ce qu’i m’avait aussi poussé à devenir surveillant, le confident de jeunes qui avaient besoin d’une oreille attentive, d’un pilier qui puisse les aider même si il restait impartial et suivait les règles de l’établissement. Ils avaient besoin d’écoute et malheureusement moi je ne pouvais que la donner même si je ne l’ai reçue que de ma demi-sœur, ma mère et mon beau-père. Chacun me manquaient en cet instant, dans cette époque où les rires se mêlaient aux pétales de cerisiers qui se soulignaient sur les motifs de mon kimono bleu foncé. De mes chaussures en bois, j’avançais encore d’un pas en la contemplant regarder le ciel, ce signe de liberté qu’elle cherchait à atteindre et cela me toucha car elle montrait qu’elle voulait encore revivre au fond de son cœur, malgré le feu destructeur qui l’entourait. D’un mouvement calme mais précis je m’emparais de sa main alors que mon écharpe blanche et mon ruban tout aussi blanc qui retenait en une queue de cheval tombant sur mon épaule droite volaient jusqu’à cette main blessée. Je la pris avec la plus grande des délicatesse, cachant du tissu la blessure et serrant du ruban pour qu’elle ne se ravive pas à l’air libre et donc s’infecte. Je restais froid comme à mon habitude parce que j’avais perdu la capacité d’exprimer mes émotions par le visage, mais les mots restaient, aussi secs soient-ils. C’est ainsi que j’entamais d’une voix douce mais aux accents secs la conversation avec l ‘élève :

« Brûler efface sans doute bien des s*l*peries comme vous diriez. Mais elle en consumerait de meilleurs et rendrait des gens heureux tristes qui voudront aussi vous brûler avec cette flamme de rancœur qui vous habite. »

Serrant enfin le bandage avant de bien câler la branche dans ma ceinture de kimono, je l’observais de mon regard émeraude froid et perçant ne montrant qu’une expression neutre. J’entends un moineau pousser son chant et égayer ce silence pesant ce qui pour une fois me fit lâcher un sourire sans sentiment. Comprendrait-elle que malgré sa douleur, il y avait toujours quelque chose pour la rendre moins atroce ? Je me devais d’engager la conversation et me présenter pour ne pas me faire trop intrusif. Je reprenais donc la parole :

« Je me nomme Lyo Sakuraï. Je suis surveillant ici mademoiselle et j’espère que vous comprenez que je ne peux pas vous laisser vous amuser avec ce genre de cigarettes et briquet. Donc permettez … »

D’un geste vif et de ma haute taille, je serrais entre mes doigts à présent le briquet et je la regardais d’un air froid, reprenant mes fonctions de surveillant avant toute chose et prêt à toute réaction agressive de sa part.

« Fumer même dans la zone du lycée car vous rester au lycée même sur le toit, est interdit. »